Dérivée du CO2 et anomalie de température
1 Introduction
Plusieurs auteurs ont trouvé une corrélation entre la dérivée du CO2 par rapport au temps et l’anomalie de température. Par exemple Wang 2019, Hocker 2020, Shiers 2014. Cette dernière analyse a été récemment mise à jour: Clutz 2023. Sur le site de science-climat-énergie, en décembre 2022, JC Maurin a décrit des résultats analogues dans son analyse de l’influence de la «température» sur la vitesse de croissance du CO2 atmosphérique . Voir Maurin 2022. L’analyse de Hocker a été réfutée sur skepticalscience, mais avec une argumentation peu convaincante.
Cette modélisation produit des résultats incohérents. A température constante, le CO2 peut augmenter ou diminuer indéfiniment.
Si l’on effectue ce genre d’analyse avec une longue série de température dont la droite de tendance a une pente constante dans le temps, on obtient une évolution quasi-parabolique du CO2 en fonction du temps qui ne dépend pas de la pente de la droite de tendance de la série de température. On peut par exemple reconstituer la même évolution du CO2 avec deux relevés de température ayant des tendances linéaires complètement différentes. Si l’on remonte dans le passé, le CO2 diminue avant de remonter indéfiniment, quelle que soit la pente de la droite de température, qu’elle soit positive ou négative.
En réalité, cette modélisation est une corrélation fallacieuse dans laquelle la dérivée du CO2 ne dépend pas de la température mais du temps. Il n’y a donc aucun modèle physique sous-jacent, il ne s’agit que d’une corrélation temporelle.
Remarque:
Dans les graphiques qui suivent, les droites verticales de couleur rose ou noire correspondent aux transitoires choisis par JC Maurin dans son article de 2022. La même technique de calcul que la sienne a été utilisée dans toutes les analyses par transitoires. Voir Maurin 2022.
2 Relevé du CO2 (Mauna Loa)
Le CO2 est très bien approché par une parabole temporelle. Voir Figure 1.
\[ CO_2 = a \times t^2 + b \times t + c \tag{1}\]
La dérivée de cette parabole est une droite donnée par l’équation \[ \frac {d[CO_2]}{dt} = 2 \times a \times t + b \tag{2}\]
La dérivée du CO2 peut également être évaluée numériquement, par lissage après avoir fait abstraction des variations saisonnières. Voir Figure 2.
3 Anomalie de température UAH
L’anomalie de température UAH a une tendance linéaire. Voir Figure 3.
4 Corrélation dérivée du CO2 et anomalie de température UAH
Les tendances de la dérivée du CO2 et de l’anomalie de température étant toutes les deux linéaires, on poura toujours exprimer l’une en fonction de l’autre en utilisant deux coefficients, en les choisissant judicieusement pour avoir un bon ajustement.
Si on a par exemple deux droites
\[ \begin{align} y_1 & = a_1 + b_1 \times t \\ y_2 & = a_2 + b_2 \times t \end{align} \] On pourra toujours (sauf si \(b_2 = 0\)) calculer a et b pour que \[ y_1 = a \times y_2 + b \]
Il suffit de prendre
\[ \begin{align} a & = b_1 / b_2 \\ b & = (a_1 \times b_2 - a_2 \times b_1)/b_2 \end{align} \]
Inversément, on pourrait calculer c et d de telle manière que
\[ y_2 = c \times y_1 + d \] Ceci n’implique aucune relation de causalité entre les 2 séries. Les pentes des séries n’ont pas d’importance (sauf si celle de la seconde est nulle), et elles peuvent même être de signe opposé.
Supposons donc que la relation entre la dérivée du CO2 et la température ait la forme suivante:
\[ \frac {d[CO_2]}{dt} = a \times \Delta T + b \tag{3}\]
En intégrant l’ Équation 3 de part et d’autre par rapport au temps, on obtient
\[ CO_2 = a \times \int \Delta T \ dt + b \times t + c \tag{4}\]
Si dans l’Équation 4, on remplace \(\Delta T\) par son approximation linéaire \(\alpha + \beta \times t\), on obtient
\[ \begin{align} CO_2 & \approx a \times \int (\alpha + \beta \times t) \ dt + b \times t + c \\ & \approx a\times \beta \times \ t^2 / 2 + (a \times \alpha + b )\times t + c \end{align} \tag{5}\]
C’est une parabole temporelle équivalente à celle de l’Équation 1. La température a disparu de l’équation et le CO2 ne dépend plus que du temps. Les régressions suivant l’Équation 1 et l’Équation 4 sont quasiment équivalentes. Voir Figure 29.
L’Équation 4 est préférable à l’Équation 3 parce qu’il est plus facile de calculer l’intégrale d’une série temporelle que d’évaluer numériquement sa dérivée.
Le calcul des valeurs de a, b et c qui produisent le meilleur ajustement se fait généralement par régression linéaire.
On peut également déterminer a et b manuellement. C’est ce que fait JC Maurin avec son approche des transitoires basée sur des considérations physiques. Il faut ensuite fixer c à la valeur du CO2 au début de la période. Ceci ne produira cependant jamais un meilleur ajustement au sens des moindres carrés que celui calculé par régression linéaire.
Le résultat que l’on obtient par régression conformément à l’Équation 4 est très voisin de la parabole temporelle précédemment trouvée, parce que la série UAH ayant une tendance linéaire, son intégrale est quasiment parabolique. Voir Figure 4.
Connaissant les valeurs de a et b, on peut estimer la dérivée du CO2 par l’Équation 3 et la comparer avec la dérivée numérique des observations. Voir Figure 5.
Comparons maintenant l’approche des points transitoires avec le calcul par régression:
Tout d’abord dans le plan \(x=\Delta T, y=d[CO_2]/dt\). Voir Figure 6.
En se basant sur des considérations physiques, les transitoires ont été choisis dans une phase froide et une phase chaude. Il n’y a pas beaucoup de points d’observation en dehors de l’intervalle de température entre les transitoires. Ceci explique pourquoi la droite des transitoires n’est pas trop différente de celle obtenue par régression.
Comparée à cette dernière,
La pente de la droite des transitoires est un peu trop forte.
La dérivée du CO2 est un peu trop faible au transitoire 1, et un peu trop forte au transitoire 2
Si les 2 points des transitoires étaient situés sur la droite obtenue par régression, on obtiendrait le même ajustement que par régression.
Comparons maintenant l’estimation du CO2 par les transitoires avec les observations. Voir Figure 7.
L’ajustement n’est pas mauvais du tout. La pente un peu trop forte de la droite des transitoires donne trop de courbure à la quasi-parabole.
Le CO2 en 2020 est très voisin de l’observation. Ceci s’explique par le fait que les coefficients a et b dérivés des 2 transitoires satisfont quasiment à la relation
\[ CO_2[2020] - CO_2[1980] = a \times \int_{1980}^{2020} \Delta T dt + b \times (2020 - 1980) \tag{6}\]
Quand cette relation est satisfaite, les estimations de CO2 passent par les observations de début et fin de période.
5 Calculs avec des séries fictives de température
5.1 Cas 1
Répétons tous les calculs précédents avec une série fictive de température, en changeant simplement le signe de la température originale. Voir Figure 8.
Les régressions suivant l’Équation 1 et l’Équation 4 produisent les mêmes estimations de CO2, bien que la pente de la droite de tendance de la température ait changé de signe. Voir Figure 9.
En gardant les transitoires aux mêmes périodes, la sensibilité de la dérivée du CO2 à la température (la valeur du paramètre a) change de signe. Voir Figure 10.
Et cependant, on retrouve les mêmes estimation de CO2 qu’auparavant. Voir Figure 11.
5.2 Cas 2
Dans cet exemple, une variation linéaire de 0.3 °C a été ajoutée à la série UAH. Voir Figure 12.
Les calculs par régression donnent à nouveau quasiment les mêmes résultats. Voir Figure 13
La pente de la droite des transitoires est devenue plus forte. Voir Figure 14.
Cela se marque dans les estimations du CO2 qui sont un peu moins bonnes. Voir Figure 15.
5.3 Cas 3
Dans cet exemple, une variation linéaire de 0.3 °C a été soustraite de la série UAH. Voir Figure 16.
Les calculs par régression donnent à nouveau quasiment les mêmes résultats. Voir Figure 17.
La droite des transitoires est assez proche de celle obtenue par régression. Voir Figure 18.
Et on obtient un bon ajustement pour le CO2. Voir Figure 19.
5.4 Cas 4
Dans cet exemple, une variation linéaire de 0.533 °C a été soustraite de la série UAH, ce qui annulle sa tendance. Voir Figure 20.
Les calculs par régression donnent de moins bons résultats. La quasi-parabole dégénère en une droite de dérivée constante. Ceci s’explique facilement parce que la moyenne de \(\Delta T\) est nulle et les équations Équation 3 et Équation 4 se simplifient (Équation 7 et Équation 8).
\[ \frac {d[CO_2]}{dt} = b \tag{7}\]
\[ CO_2 = b \times t + c \tag{8}\]
Voir Figure 21.
La droite des transitoires est sensiblement différente de celle obtenue par régression, mais sa pente n’a pas d’importance, parce que sa valeur (le paramètre a) est multipliée par une quantité nulle. Par contre, les 2 transitoires sont plus ou moins symétriques par rapport à la droite de régression, ce qui donnera une variation de CO2 acceptable. Voir Figure 22 et Figure 23.
L’estimation du CO2 par les transitoires est moins bonne sans trop s’écarter de l’estimation par régression. Voir Figure 23.
5.5 Cas 5
Dans cet exemple, une variation linéaire a été soustraite de la série UAH, pour obtenir une tendance de -0.015. Voir Figure 24.
Les calculs par régression donnent à nouveau de bons résultats. Voir Figure 25.
La pente de la droite des transitoires est de signe contraire à celle obtenue par régression. De plus, les 2 transitoires ne sont pas du tout symétriques par rapport à la droite de régression. Ceci produira une quasi parabole dont la courbure a le mauvais signe et une mauvaise approximation de la variation de CO2. Voir Figure 26 et Figure 27.
L’estimation du CO2 par les transitoires est beaucoup moins bonne cette fois-ci. Voir Figure 27. Toutefois, un autre choix de transitoires voisins de la droite de régression (Équation 3) produirait un bien meilleur ajustement.
6 Allure parabolique du CO2 et de ses modélisations
Cette allure parabolique n’apparaît pas bien dans les analyses précédentes parce que sa courbure est relativement faible et que la fenêtre temporelle de l’analyse est trop courte.
On la distingue nettement si on travaille avec une série plus longue obtenue en extrapolant la série UAH dans le passé et le futur. Voir Figure 28.
Les différentes estimations de CO2 ont été calculées pour cette série plus longue. Voir Figure 29.
7 Conclusions
L’ Équation 4 fait croire que le CO2 dépend de l’historique de la température, mais ce n’est qu’une illusion parce qu’on reconstitue quasiment la même évolution du CO2 quelle que soit la tendance de la série temporelle de température utilisée. On obtiendrait d’ailleurs des résultats analogues avec n’importe quelle série temporelle, pourvu qu’elle ait une tendance linéaire de pente non nulle.
Dans l’approche par transitoires, les considérations physiques de leur choix n’ont pas d’importance. Le cas 1 est particulièrement éloquent à ce sujet. Il produit exactement les mêmes estimations de CO2 qu’avec la série réelle de température, alors que le calcul a été mené avec une série fictive de signe opposé. De plus, la position des transitoires n’ayant pas changé, exactement les mêmes considérations physiques sont d’application.
Si l’on fait abstraction de considérations physiques, la technique des transitoires se résume à choisir 2 points dans le plan \(x = \Delta T\), \(y = d[CO2]/dt\). Si l’on choisit 2 points voisins de la droite obtenue par régression, l’ajustement par transitoires sera toujours quasiment identique à celui produit par régression.
La série de température UAH étant raisonnablement linéaire, il suffirait de prendre les transitoires aux alentours du début et de la fin de la période. On peut dans ces conditions quasiment échanger la température et le temps.
Etant basées sur la même formule (Équation 3), les modélisations des approches par régression et par transitoires sont à peu près équivalentes. Ce ne sont que des corrélations temporelles où le temps est déguisé en température et qui ne sont valables que dans leur fenêtre d’observation. Elles ne peuvent être extrapolées en dehors de cet intervalle car elles débouchent alors sur des résultats inexplicables, contraires aux équations de la chimie carbonatée de l’océan, telles que celles utilisées dans ce calculateur en ligne de la \(pCO_2\) de l’Université du Colorado.
L’Équation 3 est un cas d’école d’une corrélation fallacieuse, comme dans cet exemple cité par Patrick Moore (Ex-Greenpeace) :
« On observe que le nombre d’attaques de nageurs par les requins est corrélé avec la vente de crèmes glacées sur la plage. Mais en réalité, c’est parce que plus il fait beau, plus il y a de baigneurs, ce qui augmente la consommation de crèmes glacées et le nombre de baigneurs attaqués. »