Un modèle thermique simple à la surface de la Planète
1 Introduction
La Terre absorbe de l’énergie en provenance du Soleil. De l’énergie s’accumule sous sa surface. Elle évacue de l’énergie vers le Cosmos par différents mécanismes de transfert de la chaleur qui fonctionnent en parallèle: conduction, évaporation, convection et rayonnement. Les parts de chacun de ces mécanismes dans le total de l’énergie évacuée sont mal connues. Tout ce que l’on sait, c’est que plus la surface de la Terre est chaude, plus l’énergie évacuée est importante.
Il n’est pas inutile de rappeler que le Soleil est de très loin la principale source d’énergie de la Terre. On considère que le rayonnement solaire représente 99,97% du budget énergétique de la Terre. Voir ici et ici.
2 Equation différentielle du modèle
Pour faire le bilan énergétique de ce schéma, il suffit de constater que la variation d’énergie accumulée est égale à l’énergie absorbée moins l’énergie évacuée.
Plaçons nous en un point quelconque de la surface de la Terre. Supposons qu’à l’instant
En ignorant les échanges d’énergie avec les régions voisines, pour un petit élément de surface autour de ce point, on peut considérer que la variation d’énergie accumulée soit proportionnelle à la variation de température dT. Soient
Si
L’Eq. 1 devient
En utilisant la notation de Stockwell
On obtient
Si la Terre est soumise à un rayonnement constant, un équilibre thermique finit par s’établir. A cet instant, la puissance évacuée est égale à la puissance absorbée, et la température reste constante:
On ne peut pas tirer grand chose de plus de cette équation.
Par contre, si on s’intéresse aux perturbations par rapport à une situation d’équilibre, on peut en tirer beaucoup d’enseignements.
Supposons donc qu’au temps
Posons encore
En posant
Il est mathématiquement prouvé que cette équation est convergente vers une solution asymptotique lorsque le coefficient k est positif.
3 Solutions analytiques
3.1 Fonction en escalier
Si le système est à l’équilibre à l’instant
La variation de température évolue asymptotiquement vers la valeur
3.2 Fonction générale
Une fonction générale
Si l’on approche
En notant
En développant les sommes et en regroupant les termes , on obtient facilement
Il vient finalement
3.3 Variation sinusoïdale
Supposons que
Dans ce cas la solution est donnée par
Dans cette dernière formule,
Le premier terme de l’Eq. 17 est un terme transitoire. Il tend vers 0 lorsque
Pour des oscillations lentes,
Pour des oscillations rapides,
Voir Fig. 3.
On notera que l’amplitude de l’anomalie de température est très faible lorsque la période du signal d’entrée est courte. C’est l’inertie thermique qui est à l’oeuvre.
3.4 Variation sinusoïdale déphasée
Si
Dans ce cas la solution de l’Eq. 9 devient
Les paramètres de cette formule sont également calculés selon l’Eq. 18.
3.5 Fonction périodique quelconque
Si
Le terme
3.5.1 Exemple: rayonnement solaire incident à l’équinoxe du printemps ou d’automne
Aux latitudes tempérées, à un facteur d’échelle près, le rayonnement est très bien modélisé par une demi sinusoïde pendant les 12 heures qui suivent le lever du soleil, et une valeur nulle les 12 heures suivantes. La moyenne de cette fonction est égale à
Pour
Il suffira d’appliquer les formules précédentes à chaque terme. Voir Fig. 4.
L’anomalie de température a été calculée en appliquant les formules de l’Eq. 18 et de l’Eq. 20 à chaque terme de l’Eq. 23. Les calculs ont été menés en considérant
4 Analogies au modèle thermique
4.1 Vidange d’un récipient alimenté en eau
Considérons un récipient de section constante alimenté en eau par un robinet, et muni à sa base d’un orifice de vidange. Le bilan de l’eau dans le récipient est facile à établir.
En notant:
La section du récipient | |
La section du trou de vidange | |
La hauteur d’eau au-dessus du trou de vidange | |
Le débit d’alimentation | |
Le débit évacué |
On a:
C’est analogue à l’Eq. 3. Il suffit de considérer qu’un volume d’eau est de l’énergie, un débit d’eau est une puissance, et la hauteur d’eau est la température.
En utilisant la formule de Torricelli, on trouve facilement que
A l’équilibre, pour un débit d’alimentation constant, on obtient
Finalement, l’Eq. 24 s’écrit
Comme précédemment, cette équation peut être linéarisée par rapport à une situation d’équilibre. Supposons qu’au temps
En notant
Ceci permettra de juger dans quelle mesure l’approximation par linéarisation s’écarte de la solution exacte.
4.1.1 Un exemple concret pour un débit d’alimentation sinusoïdal
4.1.1.1 Solution exacte
L’Eq. 24 a été intégrée numériquement pour un récipient d’une section
4.1.1.2 Solution approchée par linéarisation
4.1.2 Réponse à une impulsion
Supposons que le même récipient que précédemment ait atteint l’équilibre pour un débit d’alimentation
Un phénomène analogue est vraisemblablement à l’oeuvre dans les événements de Dansgaard-Oeschger pendant lesquels on observe une augmentation de la température de 5 à 8 °C en quelques décennies suivie d’une période de refroidissement s’étendant sur plusieurs centaines d’années.
4.2 Equation du mouvement d’un volant d’inertie
Les vélos d’intérieur sont souvent équipés d’un volant d’inertie qui dissipe par courants de Foucault la puissance produite par le cycliste. L’équation différentielle d’un tel système soumis à un couple moteur et à un couple résistant est facile à poser en se basant sur le principe de conservation de l’énergie.
En notant:
Le bilan énergétique du volant s’écrit:
Cette équation est équivalente à l’Eq. 5. Elle permet de mieux comprendre le sens qu’il faut donner à l’inertie thermique.
5 Détermination des paramètres du modèle sur base des observations
On dispose de plusieurs séries de température. Elles sont globales ou locales. Certaines séries sont publiées sous forme de grille qui couvre tout ou partie de la surface terrestre. Si les températures sont absolues, il sera facile d’en dériver une anomalie par différence avec une moyenne.
Le rayonnement absorbé est mal connu. Dans certaines stations, le rayonnement incident est mesuré depuis de longues années, mais pas le rayonnement réfléchi.
En l’absence de mesures locales du rayonnement incident, il faudra se baser sur l’irradiance totale solaire (ITS). Celle-ci n’est mesurée par satellite que depuis quelques décennies, mais il existe des reconstructions historiques de l’ITS qui remontent bien plus loin dans le passé. Lorsque le calcul est fait en un point précis, on pourra passer de l’ITS au rayonnement incident théorique local par des calculs d’astronomie. Il existe des librairies spécialisées qui facilitent grandement ces calculs.
On peut utiliser les Eq. 8, Eq. 9, Eq. 15 dans tous les cas, que l’activité solaire soit périodique ou non.
L’Eq. 8 requiert de passer par une intégration numérique qui peut être assez lourde.
L’Eq. 9 est déconseillée parce que la multiplication de très petits nombres par de très grands nombres provoquera généralement des instabilités numériques liées.
L’Eq. 15 est assez légère à manipuler, mais nécessite de connaître l’historique de l’activité solaire sur une période suffisamment longue avant le début de la série de température.
Pour les activités solaires périodiques (journalière ou saisonnière), le plus simple sera d’effectuer une décomposition du signal en série de Fourier.
Dans tous les cas, il faudra passer par une régression multiple non-linéaire pour obtenir les paramètres du modèle.
Si l’on dispose de données d’évaporation, il faudra ajouter un terme correspondant dans les régressions. Sinon l’évaporation va se retrouver de manière implicite dans le coefficient du rayonnement et/ou dans le terme indépendant. L’évaporation est loin d’être négligeable.